Le Slow Jogging : La méthode japonaise qui redonne espoir aux corps meurtris
Quand on m'a dit que mes poumons ne seraient plus jamais les mêmes après les traitements, j'ai pensé que courir appartenait désormais au passé. Entre l'asthme et mon poumon radique – ce souvenir permanent de la radiothérapie – je croyais que l'essoufflement serait mon nouveau compagnon de vie.
Puis j'ai découvert le Slow Jogging, cette méthode japonaise qui redéfinit complètement ce que signifie "courir". Et si je vous disais qu'on peut retrouver le plaisir de bouger sans jamais s'essouffler?
Une révolution venue du Japon
Le Slow Jogging n'est pas une nouvelle tendance wellness, mais une méthode scientifique développée par le professeur Hiroaki Tanaka de l'Université de Fukuoka au Japon. Son histoire personnelle résonne étrangement avec celle de nombreux survivants du cancer : après avoir reçu un diagnostic erroné de problème cardiaque qui a mis fin à sa carrière de coureur, il a dû tout réapprendre.
Des décennies plus tard, à 50 ans, il a couru un marathon en 2h38 – un temps remarquable qu'il attribue entièrement à sa méthode du Slow Jogging. Plus impressionnant encore : il a complété 65 marathons dans 13 pays sans jamais se blesser. Pour quelqu'un qui devait "abandonner la course", c'est plutôt réussi.
Le principe du "Niko Niko Pace"
Au cœur du Slow Jogging se trouve un concept magnifique : le niko niko pace. En japonais, "niko niko" signifie "sourire". L'idée? Courir à une allure où vous pouvez sourire et tenir une conversation confortablement.
Oui, vous avez bien lu. Si vous êtes essoufflée, vous allez trop vite.
Pour moi qui combats avec un poumon radique et l'asthme, cette philosophie change tout. Fini la pression de performer. Fini la course contre soi-même. Le Slow Jogging nous invite à courir à peine plus vite qu'une marche rapide – et c'est exactement ce dont nos corps en reconstruction ont besoin.
La technique en quatre points
- Courir lentement – Vraiment lentement. À une vitesse qui peut sembler ridicule au début.
- Petits pas rapides – Environ 180 pas par minute, comme une danse légère avec le sol.
- Atterrissage sur l'avant du pied – Cela protège vos articulations et réduit l'impact.
- Alterner naturellement – Marcher dès que nécessaire, sans culpabilité.
Pourquoi ça fonctionne pour nous, les survivants
Cette méthode est particulièrement adaptée aux personnes dont le corps a été éprouvé par la maladie :
- Pas de détresse respiratoire : L'intensité douce ne déclenche pas de crise d'asthme
- Reconstruction progressive : Votre capacité respiratoire s'améliore graduellement
- Zéro pression : L'objectif est le plaisir et la régularité, pas la performance
- Protection des tissus fragilisés : Moins de stress sur les poumons et le système cardiovasculaire
Le professeur Tanaka recommandait même cette méthode aux personnes âgées et à celles souffrant de maladies chroniques. Pour lui, même à cette allure très lente, on obtient tous les bénéfices de la course.
Un témoignage inspirant
Le Dr Mark Cucuzzella, médecin de famille et marathonien accompli, partage une histoire remarquable. Après des années de blessures et une chirurgie au pied, ses médecins lui ont dit qu'il ne pourrait plus jamais courir de manière compétitive.
Refusant d'accepter ce verdict, il a commencé à jogger lentement – très lentement – sans jamais accélérer durant ses entraînements. Six mois plus tard, il a couru le Marine Corps Marathon en moins de 2h30, terminant troisième.
Aujourd'hui, à plus de 50 ans, il maintient une impressionnante série de plus de 30 années consécutives de marathons sous la barre des 3 heures. Son secret? L'entraînement en zone facile, la patience, et l'abandon de l'idée que "plus dur" égale "meilleur".
Comme il le dit si bien : "Si courir était juste un autre stress dans ma vie, ce ne serait pas durable."
Mon expérience personnelle
Commencer le Slow Jogging avec un poumon radique et de l'asthme a été humiliant au début. Je "courais" plus lentement que certaines personnes marchent. Mais vous savez quoi? Pour la première fois depuis mes traitements, je n'ai pas terminé une séance en crise respiratoire.
J'ai commencé par 10 minutes, trois fois par semaine. Marcher dès que je sentais mon souffle s'accélérer trop. Respecter mon corps plutôt que le pousser. Et graduellement, miracle: je me suis sentie moins essoufflée dans ma vie quotidienne.
Ce n'est pas une course contre la montre. C'est une réconciliation avec mon corps.
Comment commencer
- Consultez votre médecin – Surtout avec des antécédents de cancer ou de problèmes pulmonaires
- Oubliez votre ego – Vous courrez lentement, et c'est parfait ainsi
- Commencez par 10-15 minutes – Trois fois par semaine
- Gardez votre inhalateur à portée – Si vous êtes asthmatique comme moi
- Souriez – Si vous ne pouvez pas sourire, ralentissez
Le message d'espoir
Le Slow Jogging nous rappelle que la résilience ne se mesure pas en vitesse, mais en constance. Que nos corps, même abîmés, méritent du mouvement joyeux. Que nous pouvons reconstruire notre souffle, pas à pas, sourire aux lèvres.
Pour nous qui avons survécu au cancer, qui portons les cicatrices visibles et invisibles de nos batailles, cette méthode offre quelque chose de précieux : la possibilité de retrouver le plaisir simple de bouger, sans douleur, sans comparaison, sans pression.
Parce qu'au final, survivre ne suffit pas. Nous voulons vivre – et ça commence parfois par un tout petit pas de course, accompagné d'un sourire.
Le professeur Hiroaki Tanaka nous a quitté en 2018 des suites d'un cancer, mais son héritage inspire des milliers de coureurs à travers le monde à redécouvrir le plaisir de courir avec le sourire.
Christiane Constantineau
Auteure, survivante et créatrice de bijoux inspirants
